Des centres de loisirs émancipateurs pour demain ?

publié le 28 juillet 2017
1567 vues 3 j'aime
Sommaire de la fiche :
Résumé

Cinq centres sociaux se lancent dans l’aventure: le Centre socioculturel d’Ozon, la Maison pour tous de Châtellerault, le Centre socioculturel La Case de Vouillé, la Maison des 3 quartiers et la maison de quartier SEVE de Poitiers. Ils détachent leurs directeurs d’accueil de loisirs pendant une semaine de vacances pour construire à plusieurs un centre de loisirs nouvelle génération.

Un espace où les enfants peuvent s’exprimer pleinement, agir, décider ensemble, expérimenter, prendre des responsabilités… En un mot, ils donnent les clefs aux enfants, ils leurs proposent un centre qui leur permet « d’Etre » eux-mêmes. Un lieu qui fait confiance aux potentialités innées des enfants.

Résultats ?

  • De nombreuses activités mais aussi de nombreux projets complètement menés par les enfants
  • Des enfants et des parents convaincus :  + 35% d’effectifs supplémentaires les mercredis suivants dans la structure qui accueillait l’expérimentation
  • Des directeurs fatigués et enchantés qui redécouvrent les potentialités des enfants et le plaisir au travail, qui changent de posture, qui ont crée une « famille professionnelle ».

L'action en images

Quelle est la situation de départ qui a motivé le projet ?

Cette expérimentation prend sa source dans un groupe d’échange de pratiques entre responsables d’Accueil de Loisirs Sans Hébergement des centres sociaux de la fédération de la Vienne. Les membres de ce groupe, responsables des vacances d’enfants de 3 à 12 ans, se sont interrogés sur les différentes manières de permettre aux enfants de choisir et d’agir sur leurs temps de loisirs, et ce pendant plus d’un an. Ils ont aussi échangé sur les discussions engagées avec les familles lorsque l’enfant acquiert une place de responsable de ses vacances dans le centre.

Deux des salariés de ce groupe sont particulièrement impliqués dans le déploiement d’une pédagogie institutionnelle au sein de leur propre structure. Leur travail autour d’une démocratie des enfants, leurs expériences pour accompagner des projets d’enfants au sein de leur ALSH a permis à chacun de s’enrichir de leurs expériences.

Cependant le groupe a très vite constaté que les échanges entre pairs ne suffisaient pas à permettre l’évolution des pratiques. En effet, on peut tous se poser les questions suivantes : Quels échanges sont  en mesure de rendre compétents des gens en ce qui concerne ce qu’on appelle généralement le «savoir-être» ?  Comment apprend-on à «emmener» un groupe ? Est-ce qu’on apprend «la justesse» dans les relations ? Est-ce qu’on apprend à «oser prendre des risques» ? Pourquoi certains animateurs sont-ils spontanément à l’aise pour développer des approches pédagogiques basées sur la créativité des enfants et d’autres non ?

Lorsque l’on discute des parcours de vie de nombreux professionnels ou bénévoles de l’animation, on peut mesurer que ceux qui semblent compétents dans ces matières, et plus précisément ceux qui développent de manière consciente des approches émancipatrices, ont tous vécu, non pas une formation mais un contexte formateur/éducatif particulièrement marquant. Tous ont en mémoire une expérience fondatrice, que ce soit  avec un instituteur Freinet, un enseignant, au sein de leur propre famille, que ce soit par le scoutisme ou  encore la psychiatrie institutionnelle, la recherche-action… Autant de cadres dans lesquels l’ordre habituel du discours, la hiérarchie des fonctions et des rôles ont été mis en question : prises de responsabilités précoces, prises de consciences majeures, rapport à l’altérité, à la créativité… Ces contextes formateurs et initiatiques leur ont montré qu’on pouvait faire différemment de ce qui était habituel, pour obtenir le plus souvent de bien meilleurs résultats. Mais, et c’est là le plus important, ils n’ont pas été simplement convaincus par un discours, ils ont éprouvé la situation en pratique, dans tout ce qu’elle a de libérateur, d’émancipateur. Ils ont tous vu, vécu, ressenti, expérimenté à quel point il était non seulement possible mais souhaitable de faire un pas de côté et de proposer des formes nouvelles de relation, de responsabilité, d’autorités. En cela, il s’agit d’une morsure. Car dès lors, il était difficile pour chacun d’entre eux de ne pas essayer d’y revenir, en se rapprochant de certaines pratiques, de certains mouvements, de certains groupes ou en essayant dans son propre contexte bénévole ou professionnel de les développer à nouveau. Quand on y a gouté, c’est difficile de manger autre chose…

Compte tenu de cette analyse, le groupe a décidé de récréer ce type de moment initiatique. Pour favoriser une sorte de «contagion positive» entre structures, pour éprouver ensemble et surtout avec les enfants et les familles, le groupe a décidé d’animer une semaine avec un groupe d’enfants.

L’objectif est donc de mordre les professionnels pour qu’ils sachent mieux « mordre » les enfants ! En effet si on observe nos parcours de vie, dans la chaîne éducative, nos parents, nos proches mais aussi des enseignants, des animateurs, des travailleurs sociaux, des éducateurs sportifs nous ont offert de la considération, de l’énergie, des convictions et du temps. A l’écoute de nos enjeux (individuels ou parfois collectifs), ils nous ont permis de passer une étape décisive en nous faisant prendre conscience de certaines choses, en nous encourageant, en nous bousculant, en nous  soutenant.

Lorsque nos parents ont bien tenu ce rôle de supporters inconditionnels et de passeurs (ou si des personnes tierces ont pris leurs fonctions), lorsqu’un étayage a été suffisamment fort en termes de confiance et d’ouverture, nous avons pu « monter en capacité » de manière plus autonome, par la découverte d’œuvres (films, livres, etc.) et d’idées.

Mais dans nos histoires, nous pouvons  remarquer que ces passeurs nous ont mis dans des conditions qui nous nous permettaient d’améliorer notre compréhension du monde et de nous-mêmes. Ces évolutions nous permettant ensuite d’accroître notre pouvoir d’action. La semaine d’expérimentation vise à recréer un de ces moments initiatique pour l’ensemble des enfants présents.

La semaine d’expérimentation est considérée comme un point de départ qui a pour objectif d’irriguer les familles, les animateurs, les administrateurs, les centres sociaux.

Qu'avez-vous mis en place ?

– 3 jours de formation pour le groupe des directeurs ALSH. Cette formation a été co construite avec l’intervenant : Jérôme GUILLET et des acteurs du réseau (des directeurs de la Vienne et Jacques RODDE)

– 6 demi-journées de construction du collectif professionnel et de préparation du projet pédagogique

– 5 jours d’expérimentation ou les directeurs ALSH ont inventé un centre de loisirs. Ils ont respecté les principes suivants :

  1. Les enfants sont libres de circuler dans toutes les parties du centre, de participer ou non aux activités. Ils sont encouragés à s’associer dans des activités libres, informelles ou structurées, accompagnées ou non par des adultes.
  2. Les enfants ne sont plus regroupés en tranches d’âges pour favoriser l’entraide et le développement des capacités de chacun
  3. La salle des commandes est le cœur du centre : la majeure partie des activités structurées va se déployer par la salle des commandes. Dans cet endroit, les enfants viennent faire part de leurs envies. Les animateurs sont chargés d’accompagner les enfants pour transformer leurs envies en actes : faire des recherches internet, trouver d’autres participants, vérifier la faisabilité matérielle, les lieux, le moment, trouver si nécessaire l’adulte qui va éventuellement suivre le projet, planifier, communiquer. Il s’agit d’accompagner le développement d’un réel projet. Lors de ces discussions les enfants développe leurs capacités à argumenter en public, à défendre leurs points de vue, apprennent à prendre des décisions collective…. Ils goutent au développement de leurs capacités à agir.
  4. Toutes les autres salles sont dédiées à des activités permanentes et modulables. Les animateurs accompagnent les jeux libres et développe les envies du moment :
  • Une salle de déguisement et de spectacles
  • Une très grande salle de jeux comprenant des jeux « d’espace » (pingpong, billard, grands jeux en bois traditionnels), des jeux de société ainsi qu’un espace réservé aux poupées, poupons, etc
  • Une salle d’arts plastiques
  • Deux salles davantage orienté « petits » :l’une comprenant des dinettes, de nombreux meubles de cuisines ainsi que des jeux de société
  • Une salle de repos et de lectures
  • Un endroit du couloir distribuant toutes ces pièces, dans sa partie la plus large, est réservé à l’accueil des parents, le matin et le soir.
  • Des espaces extérieurs sont disponibles mais « non affectés au démarrage du projet : un vaste terrain avec quelques arbres, un préfabriqués avec deux pièces et un bus de ville réformé et aménagé.
  • Une partie des enfants est encouragée à rendre compte de la vie du centre et à se constituer, pour certains, en équipe de journalistes.

Les parents sont sollicités de plusieurs manières :

  • S’ils ne connaissent pas le nouveau fonctionnement, ils visitent le centre, guidés par les adultes ou/et les enfants,
  • Ils sont régulièrement sollicités pour faire part de leurs idées d’animation et invités à les proposer en salle de commandes
  • Ils sont invités à découvrir les réalisations des enfants (cuisine, spectacles, activités scientifiques exposition de photos …) une fois par semaine
  • Ils sont invités, pour ceux qui le souhaitent et le peuvent, à rester le matin ou le soir pour passer du temps avec les enfants et l’équipe.

Quelles ont été les étapes clés du projet ?

  • JUIN 2016
    3 JOURS
    LANCEMENT
  • SEPTEMBRE 2016
    FORMATION

    Mobilisation de professionnels pour préparer, animer la formation puis préparer l’ALSH expérimental

  • OCTOBRE 2016 - FEVRIER 2017
    PREPARATION
  • FEVRIER 2017
    CHANTIER ALSH
  • MARS/JUIN 2017
    ESSAIMAGE

Quels moyens ont été mis en oeuvre ?

Mise en place des équipes et rôle de chacun

Le projet est accompagné par la Fédération et Jérôme GUILLET, garant du respect des objectifs fixés collectivement, ils accompagnent le processus participatif. Ainsi 3 équipes ont été créées :

L’équipe de suivi prospectif

Elle est composée d’administrateurs et de salariés (directeurs, coordinateurs de secteurs, référents familles) des centres participants.

Ce groupe a pour mission de penser l’impact de cette expérience pour l’ensemble des parties prenantes, à court, moyen et long terme. Il est ainsi question de relation avec les partenaires, d’impact dans le réseau local et national, d’influence sur les pratiques. En résumé, il s’agit de l’espace de la prospective, de la diplomatie, de la communication Institutionnelle, et où sont pensés les rapprochements stratégiques intra et inter réseau.

L’équipe chantier

L’équipe est constituée des directeurs ALSH participants à l’expérimentation, intervenant avec des degrés variables d’expérience et de connaissances de l’animation émancipatrice. Chaque personne présente sur le chantier devra participer au chantier et en sera donc animateur mais chacun aura également pour mission d’accompagner, de soutenir voire de former les autres là où il en a le goût, l’appétit, la capacité. Même si chacun vient avec une « dominante », nous visons une mobilité des fonctions individuelles et collectives : l’espace pour « faire ensemble » devrait nous amener à penser, douter, décider ensemble. A ce titre, le chantier est autant un espace de pratique qu’un espace de formation et de recherche collectif.

Cette équipe pense et expérimente de nouvelles façons d’animer un ALSH, identifie les dynamiques internes au groupes (enfants, animateurs, parents…), produise « in situ » une réflexion sur l’expérience en cours. Pendant et après le chantier les membres de l’équipe se soutiennent mutuellement et expérimentent dans leurs centres.

L’équipe d’appui

Elle est composée de deux formateurs (Jérôme Guillet, Jacques Roddes), deux directeurs (Thierry Moutin, Yannick Fleury), deux salariés de la FD (Denis Renaudin, Cécile Martineau). Cette équipe a pour mission de soutenir l’équipe de chantier dans son travail, de préparer « le terrain » sur un plan partenarial, logistique, financier, pédagogique, en veillant de ne pas trop « faire à la place de l’équipe de chantier ». Cette équipe s’interrogera par ailleurs sur les autres formes d’appuis qu’elle peut produire tout au long de l’expérience : recherche de documents d’appui pédagogique, d’expériences de références dans le réseau, etc…

Ces 3 équipes sont interdépendantes et travaillent en étroites collaboration.

Mise en place des moyens logistiques et financiers

Un budget d’environ 20000€ : DDCS, région Nouvelle Aquitaine (innovation sociale), fond de la formation professionnel, Fosfora. La fondation Meeschaert et la fondation agir sa vie ont été sollicitées sans succès. Ce budget couvre les frais de formation, de restauration et d’hébergement.

Les centres ont pris à leur charge le cout de remplacement de leurs salariés absent et mis à disposition des salles de réunions.

Place des partenaires et du centre social dans le projet

– Les familles et les enfants ont été sensibilisés lors des vacances précédentes par le centre social d’OZON à ces nouvelles méthodologies puis ont participé comme ils le souhaitaient à l’expérimentation.

– Les directeurs d’accueil de loisirs du réseau sont à la fois les demandeurs et les bénéficiaires du projet. Ils sont associés à la construction de la formation qu’ils ont vécu en septembre, ils ont co-construit avec les formateurs la semaine d’expérimentation, ont animé la semaine. Ils essaiment actuellement les acquis dans leurs équipes et dans le réseau.

– Les administrateurs bénévoles du centre d’accueil ont été informés dès le départ, ils ont très vite validé l’idée de mettre en place ce projet dans leur centre. Ils participent au projet dans le cadre du comité de suivi qui pilote l’expérimentation

– Les administrateurs et directeurs des autres centres investis ont  participé aux différents groupes de préparation puis développé les pratiques émancipatrices dans leurs centres

– La DDCS, la région et la FCSF ont soutenu et suivi ce projet.

En conclusion

Quel(s) résultat(s) de l'action ?

Voir la liste des impacts sur le site qui relate l’expérimentation :

http://chantieralsh86.centres-sociaux.fr/category/curiosite/

 

 

L'action va-t-elle se poursuivre ?

Oui par :

– une formation action accompagnée par des chercheurs en science de l’éducation avec les directeurs ALSH pour accompagner au mieux leurs équipes dans le changement, pour continuer à se former sur les pédagogies émancipatrices, pour savoir nommer et essaimer …

– un projet de compagnonnage culturel entre enfants des différents centres

– un travail d’affirmation de positions éducatives et d’influence des partenaires notamment de la formation avec les administrateurs

Quels conseils donneriez-vous à des personnes qui voudraient suivre vos traces ?

Visitez, rencontrez des personnes, préparez-vous avant de lancer le changement ! Un collectif des directeurs ALSH motivés peut être un vrai soutien pour les expérimentations de chacun.

Commentaires
1 commentaire sur “Des centres de loisirs émancipateurs pour demain ?”
  1. gaétan vecchio dit :

    Bravo à toute l’équipe !
    Gaétan

Les commentaires sont actuellement désactivés.
M'abonner aux actions similaires
Sélectionner les catégories ou tags pour lesquelles vous souhaitez être avertis de la publication de nouveau contenu.
Par Région : Poitou Charentes Par Département : 86 - Vienne Par Territoire : Urbain Par Périmètre : Départemental Par Public : 1 : 0-6 ans Par Public : 2 : 7-11 ans Par Thématique : Éducation Par mots-clefs : centre de loisirs Par mots-clefs : émancipation Par mots-clefs : enfants Par mots-clefs : freinet Par mots-clefs : libre choix Par mots-clefs : montessori Par mots-clefs : pouvoir d'agir Par Financeurs : 04 : Région Par Financeurs : 05 : Etat - Service départemental Par Financeurs : 17 : Autre Par budget : 3 : de 10 000 à 20 000 €